1er Jour

Lugubre.

C’est le premier mot qui me vînt à l’esprit lorsque je vis la maison. Sinistre. Morbide. Voila d’autres termes qui suivirent. Comment Isaline avait-elle pu acheter une horreur pareille ? Je savais ma sœur un brin excentrique mais tout de même.

Devant cette immense maison délabrée, je ne pouvais m’empêcher de frissonner. Il n’était pas trop tard, je pouvais encore faire demi-tour et m’en aller. Isa ignorait ma venue, je ne l’avais pas prévenue. Comment aurais-je pu de toute manière ? Si elle avait un téléphone, j’en ignorais le numéro. De même que pour son email quant à un profil Facebook, je n’avais même pas pris la peine de chercher.

Isaline avait toujours été la plus sauvage de nous deux. La plus fragile et lugubre aussi. Elle et moi sommes toutes deux gothique depuis l’adolescence mais alors que ma passion ce limite surtout à la musique et à l’apparence, Isa, elle, à très vite développée une fascination presque obsessionnel pour le morbide. Plus c’est glauque et plus c’est pour elle.

Nos parents étaient tellement inquiets pour elle qu’ils allèrent jusqu’à la faire interner. Mauvaise idée. Très mauvaise idée. Isa ne supporta pas d’être traitée comme la folle de la famille et le jour de ses 18 ans, elle avait pliée bagages pour ne plus nous redonner signe de vie. Nos parents, de leur côté, ne cherchèrent d’ailleurs jamais à la retrouver, se contentant d’attendre le coup de fil qui un jour nous annoncerait son décès.

Ce coup de fil, ce fut moi qui le reçu, il y a maintenant un mois, mais pas pour la mort d’Isaline. Non, pour celle de nos parents. Trop de vitesse sur une route verglacée de nuit leur avait été fatale. Je vivais déjà comme une enfant unique depuis des années, ainsi, c’est moi qui organisa seule les funérailles. L’absence d’Isa, si quelqu’un la remarqua, ne choqua personne, pas même moi. Ce ne fut que plusieurs jours plus tard, alors que je vidais l’appartement parental de ses souvenirs que je ressentis son absence. Lorsque, trébuchant sur un album photo, je l’ouvris à la page où était collée celle de notre 6ème anniversaire. Adorables petites jumelles aux longues boucles brunes et yeux verts soufflant en duo les bougies du gâteau. Pour la première fois en 8 ans, je pleurais la disparition d’Isaline. Le lendemain, j’entreprenais les démarches pour la retrouver. 15 jours plus tard, je me tenais dans le froid de la Laponie, tout au Nord de notre Finlande natale, devant une maison de film d’épouvante aux fenêtres éteintes.

C’était impossible, personne ne pouvait vivre ici dedans, pas même Isa.

Dans la lumière des phares de ma voiture de location, je pouvais clairement voir la façade de bois sombre, une fenêtre cassée à l’étage et le parc non entretenu alentour. C’était une maison abandonnée dans laquelle les ados s’amusaient à se faire peur, pas une habitation. C’était impossible.

Un coup de vent ouvrit mon manteau de cuir noir, me glaçant le sang au passage en m’apportant tout de fois une mélodie à peine audible semblant provenir de la bicoque, comme une mélodie jouée au violon, notre instrument de prédilection à Isa et moi.

Frigorifiée et, je devais bien l’admettre terrifiée, je me décidais enfin à monter les quelques marches cassées menant au perron et à la porte d’entrée à laquelle je frappa avec hésitation. Tout d’abord, ce fut le silence qui me répondit. Un de mort, pesant, irréel et soudain la porte s’ouvrit.

Ce n’était pas Isa. C’était un homme qui se tenait dans l’embrasure de la porte. Grand et mince, il avait des boucles brunes lui aussi qui lui retombaient sur les épaules. Il était mal rasé, avait les cheveux en bataille mais, tout de fois, avait un air soigné. Son regard gris pénétra le mien à la seconde où il ouvrit la porte et un doux sourire étira aussitôt ses lèvres. Je n’avais pas eue le temps de me remettre de ma surprise qu’il s’adressait déjà à moi d’une voix douce.

- Bonsoir, vous devez être Kristin n’est-ce pas ? Vous ressemblez tellement à votre sœur qu’il est difficile de se tromper. Par contre j’ignorais qu’elle attendait votre visite. Ou alors elle a oubliée de me prévenir. Mais entrez seulement, ne restez pas au froid.

En galant homme, il s’écarta pour me laisser entrer dans le hall où trônait un escalier imposant. Un hall uniquement éclairé d’une bougie dont les lueurs de la flamme dansait de manières inquiétantes. Tout de fois, pour le peu que je pouvais en voir dans la nuit, l’endroit semblait propre et entretenu.

- Je suis désolé Kristin mais Isaline dort déjà. Elle est très fatiguée depuis quelques temps, elle a besoin de beaucoup de repos.

S’emparant de la bougie, l’homme fit mine de vouloir quitter le hall mais je me refusai à bouger. Tout cela semblait un peu trop irréel. D’une manière où d’une autre Isa avait dû être au courant de mon arrivée et m’avait préparée une blague, ce n’était pas possible autrement. Complètement perdue, je me tournai vers mon hôte improvisé tout en restant sur mes gardes malgré son charmant sourire.

- Excusez-moi, commençais-je, mais… Vous êtes qui ?